2ème partie: l'occupation:

En zone occupée:
Kurt Hinzmann
Kurt Hinzmann
Depuis le début des hostilités le studio de Grenelle est laissé à l'abandon, l'émetteur de la tour Eiffel est saboté avant l'arrivée des allemands. C'est l'occupant qui va redémarrer un service de télévision à Paris, en mai 1943, en vue de distraire ses blessés de guerre soignés dans les hôpitaux, ce sera " Fernsehsender Paris ".
L'initiative de ce projet revient à Kurt Hinzmann. Après un passage à la radio en tant que speaker sportif, Kurt Hinzmann devient sous-directeur de la télévision allemande. Pour justifier la continuité de la télévision allemande pendant la guerre, son directeur a l'idée de proposer son utilisation pour distraire les blessés de guerre dans les hôpitaux. Les émissions démarrent au printemps 1941 en utilisant le studio du stade olympique de Berlin. Des récepteurs sont réquisitionnés pour être installés dans les hôpitaux.
En juin 1941 Kurt Hinzmann, mobilisé, est envoyé à Paris où il est chargé d'élaborer des programmes radio en anglais pour le jour où l'Angleterre capitulera. En août 1941 il reçoit l'ordre de démanteler l'émetteur TV de la tour Eiffel dans le but de récupérer des métaux. Il cherche à faire annuler cet ordre et reprend l'idée de " télévision pour les blessés " pour l'appliquer à la capitale française. Il donne comme argument que l'émetteur, une fois remis en état, pourra servir à brouiller les avions ennemis. Il réussit à convaincre l'administration pétainiste et allemande grâce à ses nombreuses relations: la réparation de l'émetteur de la tour Eiffel et la construction d'un studio seront financés par la radiodiffusion française et par la Reichspost.
Loin d'être un nazi convaincu, devenir directeur de Fernsehsender Paris lui permet d'échapper à son sort de militaire, de faire ce qu'il aime vraiment et finalement d'occuper une bonne planque. Le matériel de la CdC étant jugé inintéressant, c'est du  matériel Telefunken 441 lignes récupéré à la Reichspost en Allemagne qui est utilisé car l'industrie allemande est incapable de fournir du matériel neuf pour cause d'effort de guerre. Quelques 300 téléviseurs de fabrication allemande sont distribués dans les hôpitaux parisiens et à quelques officiers. Un  studio est aménagé 15 avenue Charles Floquet dans l'ancienne ambassade de Tchécoslovaquie juste à côté de la tour Eiffel, mais il est juste bon pour des essais, il faut trouver un local plus grand.


Drapeau nazi au sommet de la tour Eiffel, en dessous sont visibles deux des antennes de télévision (en forme d'échelle).
Kurt Hinzmann visite alors des bâtiments tels que le théâtre des Champs Elysées, le théâtre Georges V, le palais de Tokyo mais aucun ne s'avère apte à la transformation nécessaire.
Il repère alors un ancien dancing à l'abandon le " Magic city " 180 rue de l'université. La salle de danse est suffisamment vaste pour être transformée en studio. Derrière le dancing il y a un garage abandonné qui peut servir d'atelier; celui ci touche un bel immeuble, une pension de famille donnant sur la rue Cognacq Jay (N°13 à 15) qui peut servir aux services administratifs.
Cet ensemble est idéal d'autant que la tour Eiffel est toute proche. Le Magic-City est réquisitionné immédiatement. Le propriétaire de l'immeuble se verra exproprié quelques mois plus tard (en juillet 1943); c'est la radiodiffusion française qui l'acquiert. Dès le 7 mai 1943 les émissions démarrent depuis le Magic-City mais seulement en télécinéma car les travaux ne sont pas terminés.






Entrée du Magic-City rue de l'université après sa réquisition.
Pension de famille " Familiale de l'Alma " 13-15 rue Cognacq-Jay


Le Magic-City avant transformation.


Après les aménagements. L'espace de la scène en forme de V permet un recul des caméras pour des prises de vues plus larges.


Mire FERNSEHSENDER
Très vite les signaux diffusés par la tour Eiffel pendant les émissions expérimentales sont repérés par la station d'écoute de Beachy Head en Angleterre. Le personnel de la station, chargé d'observer les signaux ennemis dans le but de les brouiller, s'était étonné de ce signal bizarre venant de Paris. Une fois identifié comme un signal de télévision, les anglais construisent une énorme antenne tendue entre deux tours en bois de plus de 30 mètres de haut, ce qui leur permet de recevoir Fernsehsender Paris distant de 250km sur un récepteur anglais modifié au standard allemand et cela dès le 25 juillet 1942. Les britanniques espèrent ainsi trouver quelques informations utiles ce qui est peu probable, les émissions étant essentiellement des divertissements. Le 30 septembre 1943 c'est l'inauguration officielle du studio, les émissions en direct vont pouvoir commencer. L'équipe compte 120 personnes, sans compter les intermittents. 20 nationalités différentes s'y côtoient il y aura même des juifs, des anarchistes, des évadés, des résistants, Hinzmann est plus ou moins au courant et ferme les yeux. Au printemps 1944 Marc Chauvierre rejoint l'équipe, il s'occupe du laboratoire de recherches mais aussi de quelques émissions dont les reportages en extérieur ( tournés avec des caméras 16mm ).
Fernsehsender Paris, l'indicatif sonore était
 " Sur le pont d'Avignon "
La télévision est une excellente planque. Même sans jamais avoir mis les pieds à Fernsehsender Paris certaines personnes obtiennent un certificat de complaisance leur permettant d'échapper au STO.








TV à l'hôpital
Il y a aussi un orchestre permanent de 24 musiciens, Hinzmann n'hésite pas à  laisser jouer du jazz pourtant détesté par les nazis. Les programmes sont des spectacles de danses, des marionnettes, des interviews, du cirque, des récitations de poésies, des reportages filmés en extérieur, du théâtre tout cela en français ou en allemand. Les comédiens de la comédie française ou de l'opéra comique y participent. C'est essentiellement du divertissement, il n'y a pas de propagande, seules quelques bobines de film d'actualité en provenance de Berlin sont diffusées 2 fois par semaine. La durée de diffusion ne cesse d'augmenter, jusqu'à 12 heures par jour en 1944 ( de midi à minuit ) mais avec trois " trous " de deux heures où radio Berlin est diffusée avec la mire à l'écran. Les parisiens ignorent l'existence de cette télévision.

Le samedi 12 août 1944 à 23h30, Fernsehsender Paris interrompt définitivement ses programmes. Les alliés sont tout près de Paris.
Le 17 août l'ordre est donné à Hinzmann de faire dynamiter l’émetteur de la tour Eiffel, ce qu'il refuse.
Il est tout de même mis hors d'usage à coups de marteau et de revolver.
Il quitte Paris avec un camion fourni par la résistance afin de rendre les caméras empruntées à la Reichspost tandis que les deux télécinémas sont abondonnés sur place faute de temps ou de place pour les emporter. Aucun dégât n'est fait au studio.
A son arrivée en Allemagne il apprend que la gestapo est en train de monter un dossier contre lui. Il se cache chez des amis et travaille pour la Telefunken, il est recherché pour 19 chefs d'inculpation : refus d'obéir à l'ordre de faire sauter l'émetteur de la tour Eiffel, protection de prisonniers français évadés, de communistes, de gaullistes, sous couvert de
Fernsehsender Paris, pour avoir signé des certificats de complaisance permettant d'échapper au STO etc...

L'occupation n'a pas empêché René Barthélemy de travailler, il a pu réaliser une caméra expérimentale à 1015 lignes. La CdC a également construit un ensemble d'équipements complet à 450 lignes commandé par l'administration en 1939.

Une fois la guerre terminée, les accords entre la CdC et la Telefunken sont relancés, le 15 décembre 1946 Kurt Hinzmann et 17 ingénieurs allemands rejoingnent la France et travaillent au laboratoire CdC de Corbeville.





En zone "libre":


Studio St-Clair

Pendant cette période, Henri de France a également continué ses travaux, il travaille pour la Radio-Industrie à Lyon.
La Radio-Industrie a dû quitter Paris pour la " zone libre " car les allemands ont interdit les usines radioélectriques en zone occupée. Un studio expérimental a été inauguré le 11 octobre 1941 à St-Clair, en banlieue lyonnaise. Il a été aménagé dans un garage.


Prise de vue en 567 lignes au studio St-Clair:




Extrait du journal "LE PROGRES" du lundi 13 octobre 1941 ( édition de Lyon ):


Le Progrès du 13 octobre 1941


Extrait de la revue "La Semaine" du 6 novembre 1941:


Le maréchal Pétain à la télévision La semaine du 6 11 1941






  Livre édité à Lyon vers 1942, il traite de la technique de la télévision et de son historique. Il annonce également la mise en place rapide d'émetteurs à Lyon et à Marseille ainsi que la modification de celui de Paris pour s'adapter à un nouveau standard.
En effet le régime de Vichy avait planifié un plan décennal d'équipement pour la France dont la radio et la télévision faisaient partie. Bien entendu les travaux n'ont jamais commencé.






Téléviseur Radio-Industrie




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