Petite histoire de la télévision française:

1ème partie: 1927-1940:


René Barthélemy

Parmi les chercheurs français à avoir mis au point les premiers systèmes de télévision, on peut citer par exemple Henri de France ou Marc Chauvierre, mais c'est avec les équipements conçus par René Barthélemy que le premier service officiel de télévision français démarra.
René Barthélemy ( 1889-1954 ) était le responsable du « laboratoire radioélectrique » de la CdC ( Compagnie des Compteurs ) de Montrouge, une puissante entreprise qui fabriquait entre autres des compteurs d’électricité et de gaz et qui cherchait à se diversifier dans la nouvelle et prometteuse industrie de la radio.

Tout commence en 1927 lorsque Ernest Chamon et Jean Le Duc administrateurs de la CdC se rendent à  Londres et assistent à une démonstration de télévision mécanique mise au point par John Logie Baird ( 1888-1946 ). Cet Ecossais a réussi dès 1925 à créer un dispositif de télévision en utilisant un disque de Nipkow.
René Barthélemy.


Ce disque, dont le brevet a été déposé en 1884 à Berlin par Paul Nipkow ( 1860-1940 ), permet d’analyser une image. Il est percé de trous à sa périphérie disposés en spirale. Une fois mis en rotation par un moteur électrique, il fractionne l’image à transmettre en lignes horizontales ( ou verticales dans le système de Baird ). L’image est décomposée en autant de lignes qu’il y a de trous sur le disque. Pour reconstituer l’image un deuxième disque tournant en synchronisme avec le premier est nécessaire. Le disque « analyseur »  tourne entre la lentille de la caméra et une cellule photoélectrique, le disque « récepteur » tourne entre une lampe au néon ( dont l’intensité de la lumière émise dépend de la lumière reçue par la cellule photoélectrique ) et la lentille du récepteur. Nipkow ne mit jamais en pratique son invention.


Disque de Nipkow
Caméra avec disque de Nipkow
Récepteur vision à disque de Nipkow
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La partie fixe en rouge est une cellule photoélectrique dans le cas de la " caméra " ( avec un objectif de l'autre côté du disque ) et une lampe au néon dans le cas du "téléviseur" ( avec visualisation de l'autre côté ).


Principe de la " Caméra " à disque de Nipkow.

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Principe du récepteur vision à disque de Nipkow.

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Petite parenthèse sur les travaux de Baird :


En 1923 Baird fabrique un appareil assez rudimentaire de télévision qui ne peut transmettre que des " ombres ". Il utilise des disques de Nipkow, une cellule photoélectrique et une lampe au néon.
Fin 1925, il parvient à obtenir une image bien meilleure qui permet de distinguer les traits de la tête de poupée qui lui sert de sujet pour ses expériences.
La définition est assez mauvaise mais c'est la première fois qu'un chercheur réussi à transmettre une image animée.
Il fait la
démonstration de son matériel  le 27 janvier 1926 à la Royal Institution à Londres, un visage humain est retransmis d'une pièce à l'autre.
Il crée en 1927 la " Baird Televison Development Company ".
Le 8 février 1928 il réussit une transmission de Londres à New York en ondes courtes
sur 45 mètres.
En novembre 1929 Baird s'associe à Bernard Natan, propiétaire de Pathé Cinéma, pour créer la société française
"Télévision Baird-Natan".



Televisor commercialisé par Baird

Baird et sa machine
Televisor commercialisé par Baird
Image en 1926


La BBC, s'étant laissée convaincre par Baird, inaugure le 30 septembre 1929 un service expérimental mais régulier de télévision sur son émetteur de Daventry.
Cette télévision de faible définition peut être transmise sans problème par un émetteur prévu initialement pour la transmission sonore.
La réception se fait sur un poste de radio normal sur lequel on connecte le dispositif à disque de Nipkow.
12,5 images
de 30 lignes en balayage vertical sont transmises par seconde dans un format 3/7. Ce format plus haut que large est choisi de manière à optimiser la reproduction d'un visage ou d'une silhouette.
Les émissions ont lieu du lundi au vendredi de 11h00 à 11h30.
Plus tard il y aura des émissions la nuit ( aux heures ou les programmes radiophoniques de la BBC sont terminés ) en petites ondes ( sur 205 mètres ), la propagation des petites ondes étant grandement accrue la nuit, ça permettra aux très rares français équipés de recevoir les images.
La société Baird commercialise alors le " Televisor ", la petite image de couleur orangée apparaît dans la fenêtre à droite de l'appareil.
En effet l'image était orange, c'est la couleur émise par la lampe au néon.
Des enregistrements d'images sur disques ont été tentés à l'époque. Ils sont aujourd'hui visibles sur le site de Don Mc Lean.
A voir également cette reconstitution d'une émission en 30 lignes diffusée en 1930.




Ernest Chamon, épaté par la démonstration de Baird, décide alors de créer un laboratoire de recherche sur la télévision à la CdC, Jean Le Duc en est nommé directeur. Il charge alors René Barthélemy de l'ensemble des recherches, un local est spécialement aménagé pour cela, il s'agit en fait d'un ancien hangar de guerre proche de l'usine. A ce moment là René Barthélemy a 39 ans, il est atteint de rhumatismes déformants qui l'obligent à s'appuyer sur des béquilles. Malgré cela, aidé par une demi-douzaine de collaborateurs, il s'efforce de mettre au point son système de télévision mécanique à 30 lignes inspiré de celui de Baird. Une des plus grosses difficultés est la synchronisation de la caméra et du récepteur qui doit être parfaite. Il fallait faire vite car Henri de France poursuit les mêmes travaux et John Baird entend bien imposer son système.

La première étape est franchie fin 1928 avec la reproduction d'une image fixe, une photographie sur verre projetée sur un disque de Nipkow.
Fin 1929 la petite équipe obtient des images mobiles.
Le premier " studio " est aménagé toujours dans les locaux de la CdC à Montrouge, c'est une pièce de 4 mètres sur 4.
René Barthélemy se penche également sur une autre technique que le disque, il s'agit du tambour de Weiller ( inventé par Lazare Weiller vers 1890 ).
Il s'agit d'un cylindre sur lequel sont fixés des miroirs. L'ensemble mis en rotation par un moteur électrique réfléchi la lumière d'une puissante lampe vers le sujet à " téléviser " ( qui doit être dans l'obscurité ) sous forme d'un faisceau dessinant des lignes grâce au mouvement des miroirs. C'est le système du " point lumineux mobile " ou " flying spot ". La lumière réfléchie par le sujet vient alors frapper quatre cellules photo-électriques placées face à lui. Cette caméra trop bruyante est séparée du sujet par un mur percé d'une petite fenêtre devant laquelle une personne peut glisser sa tête. Ce système donne des images de meilleure qualité que la caméra à disque, mais il n'est adapté que pour reproduire des visages.





Tambour à miroirs 30 lignes CdC
Mécanisme d'un récepteur vision


La personne doit s'asseoir dans un fauteuil tournant dont le dossier est prolongé d'une planche de bois pour s'y caler le dos de manière à ce que sa tête reste bien en face de l'ouverture. De plus le maquillage doit être très contrasté, on applique du blanc sur tout le visage, du bleu pour les pommettes du noir pour les yeux et les lèvres. C'est Mme Suzanne Bridoux secrétaire à la CdC qui prendra ce rôle pour les démonstrations.



Suzanne Bridoux devant la " caméra ", dans la petite fenêtre se trouve l'analyseur à miroirs, autour les quatres cellules photo-électriques et à droite le micro.


La petite équipe de la CdC a également réussi à fabriquer un télécinéma, appareil fonctionnant avec un disque qui permet de transformer en signaux de télévision une bande de film normalement destinée à être projetée. Les images ainsi produites sont meilleures que celles obtenues avec la caméra car le film est plat et toujours à la même distance de l'analyseur contrairement à un visage.
Le format choisi est 4/3 30 lignes à balayage horizontal.
En 1930 la CdC est autorisée par les PTT à installer une antenne et un émetteur de faible puissance à des fins expérimentales.

Au début de l'année 1931 Paul Janet, directeur de l'Ecole Supérieure d'Electricité de Malakoff,  propose à son ancien élève René Barthélemy d'organiser une démonstration publique en installant un récepteur de télévision dans l'amphithéâtre de l'école. En effet la réalisation d'un récepteur à grand écran de 30 par 40 centimètres fonctionnant avec des miroirs tournants et une lampe au néon très puissante permet à l'image d'être vue par un grand nombre de personnes.
René Barthélemy est sceptique, il y a toujours un risque que l'expérience se passe mal d'autant que la liaison radio de 2 kilomètres qu'il faut établir depuis le studio complique les choses. Il fini par accepter mais, par prudence, la CdC décide que les invitations seront envoyées à un nombre restreint de personnes du monde scientifique; la démonstration est prévue pour le 14 avril 1931 à 20h00.
Huit jours avant la démonstration un premier journal annonce l'expérience, puis tous relaient l'information, c'est alors que des milliers de personnes demandent à assister à la démonstration, en cas d'échec il y aura des témoins !
Le jour fatidique est arrivé, l'image apparaît sur un écran en verre dépoli, pour améliorer la visibilité, trois miroirs ont été fixés sur le mur. 800 personnes se sont présentées pour seulement 300 places disponibles dans l'amphithéâtre, le hall est bondé.
René Barthélemy explique le fonctionnement du système au tableau noir puis les lumières sont éteintes et l'on peut voir sur l'écran Suzanne Bridoux sourire, se poudrer, utiliser un éventail, fumer puis annoncer un petit film " L'Espagnole à l'éventail " le télécinéma est alors mis en marche.



Démonstration publique à l'Ecole Supérieure d'Electricité:


Démonstration de Barthélémy à l'Ecole Supérieure d'Electricité
Démonstration de Barthélemy à l'Ecole Supérieure d'Electricité

L'assistance est emballée malgré la mauvaise qualité de l'image comparée au cinéma, il faudra faire deux séances supplémentaires pour que tout le monde puisse voir.

Pour René Barthélemy c'est la consécration mais la concurrence est toujours là, en décembre 1931 Paris PTT démarre des émissions expérimentales du lundi au samedi avec du matériel Baird; les émissions durent de 30 à 45 minutes à horaires variables. En février 1932 Henri de France réussit plusieurs transmissions entre Fécamp et le Havre. Marc Chauvierre fait des émissions expérimentales avec une caméra " flying spot " de sa fabrication depuis Radio-Lyon.

Il est maintenant temps pour la France de choisir un standard pour des émissions expérimentales, en 1932, à la demande du ministre des PTT, Camille Gutton, directeur du Laboratoire National de Radioélectricité, est chargé de départager les trois candidats ayant répondu à l'appel d'offre. Le système Barthélemy est préféré à celui de Baird car les images sont jugées plus stables quant à Henri de France il fini par renoncer à faire une démonstration devant la commission.

Le ministère des PTT autorise alors la CdC à utiliser l'émetteur de l'école supérieure des PTT situé au 103 rue de Grenelle, et lui attribue un petit local constitué de deux pièces de 3 mètres sur 3 au 97 de la même rue pour y implanter des équipements et créer un " studio ". Au départ les prises de vue sont encore faites dans les locaux de la CdC à Montrouge, le signal " vision " est envoyé rue de Grenelle par une ligne téléphonique. Le son est diffusé directement par l'émetteur de la CdC à Montrouge. Une fois le studio de Grenelle aménagé on y apporte la nouvelle caméra qui fonctionne avec un disque de Nipkow et offre des possibilités de prise de vue bien meilleures qu'avec le système à tambour de Weiller alors abandonné, mais qui nécessite un éclairage très important du sujet. Le son est toujours diffusé depuis l'émetteur de Montrouge relié au nouveau studio par une ligne téléphonique.

Les émissions ont lieu le mardi et le vendredi à 17h00 toujours en 30 lignes. Il y a très peu de téléspectateurs, ce sont souvent des bricoleurs passionnés qui ont assemblé les pièces détachées d'un kit vendu dans le commerce et l'on connecté à un poste de radio se constituant ainsi un récepteur de " radiovision ". Un deuxième poste de radio est nécessaire pour la réception du son.

On installe un piano dans le petit studio et des artistes bénévoles, poussés par la curiosité, viennent s'y produire.
Ils sont annoncés par Suzanne Bridoux qui a gardé sa fonction de présentatrice.


Studio du 97 rue de Grenelle
René Barthélemy avec sa caméra 30 ou 60 lignes fonctionnant en lumière diffuse avec un disque de Nipkow d'où la forme semi-circulaire du carter latéral. Le système " flying spot " est donc abandonné.

Wladimir Zworykin et son Iconoscope En 1933, la firme américaine RCA ( Radio Corporation of America ) commence à fabriquer le tout premier tube de prise de vue qui promet la réalisation de caméras d'une définition jamais égalée: l'iconoscope.
Son brevet fut déposé dix ans plus tôt par Wladimir Zworykin, émigré russe aux Etats Unis, il a été l'assistant du physicien Boris Rosing de l'institut  technologique de St-Pétersbourg dont il a repris les théories avant-gardistes en matière de télévision.

C'est une révolution pour la télévision, l'iconoscope pourra remplacer avantageusement le disque analyseur des caméras et rendra ainsi possible la réalisation de systèmes entièrement électroniques.

La CdC n'a pas accès à cette technologie et René Barthélemy continue ses travaux pour améliorer la définition de l'image toujours avec des procédés mécaniques. Par contre pour les récepteurs il commence à utiliser des tubes cathodiques à la place du disque, d'ailleurs la CdC se lance dans la fabrication de ces tubes qui pour l'instant donnent une image verte car on n'a pas encore réussi à leur faire émettre la couleur blanche.


En mars 1935, Georges Mandel tout nouveau ministre des PTT décide de se rendre à la CdC pour voir de lui même les possibilités qu'offre la télévision.
Une telle visite est très importante pour la CdC et tout est fait pour que les démonstrations de prise de vue en 60 lignes et du nouveau télécinéma  en 180 lignes soient réussies. René Barthélemy informe Georges Mandel de ses travaux en vue de réaliser une caméra en 180 lignes également.
Le ministre est très attentif aux explications mais reste, comme à son habitude assez froid et peu loquace ce qui ne manque pas d'inquiéter à la CdC.
Pourtant Georges Mandel veut un service officiel de télévision, c'est un homme d'action, il prend des décisions rapides d'autant plus qu'il craint pour sa place à la tête du ministère. Il veut donc que les émissions démarrent avant son éventuel départ même si ça doit se faire avec un dispositif temporaire.
Il reçoit alors René Barthélemy à son bureau afin de s'entendre sur les moyens à mettre en oeuvre. Le ministre lui accorde l'amphithéâtre de l'Ecole Supérieure des PTT 103 rue de Grenelle comme studio, un émetteur est prévu à la tour Eiffel, la définition devra être de 180 lignes à terme, mais en attendant la mise au point de la caméra ce sera des équipements à 60 lignes 25 images par seconde qui seront utilisés. L'émetteur 60 lignes est transféré des locaux de la CdC de Montrouge à ceux de la rue de Grenelle.


Suzanne Bridoux en 60 lignes sur tube cathodique



Les prises de vue en 30 lignes continueront pour ne pas léser les téléspectateurs actuels. Les délais fixés par le ministre sont très serrés, il veut un démarrage pour octobre et il reste beaucoup de travail sur la caméra 180 lignes.
On aménage le studio, cette fois l'espace permettra de jouer des pièces de théâtre et des danses.

Le vendredi 26 avril 1935 à 20h30 c'est le démarrage officiel, près de 1000 privilégiés y assistent, personnalités, journalistes, et industriels... La comédienne Béatrice Bretty ( qui est la compagne de Mandel ) inaugure la première émission de télévision en y racontant ses souvenirs d'une tournée de la comédie française en Italie. C'était le démarrage officiel mais pour autant tout n'est pas prêt, l'image a seulement 60 lignes et l'émetteur de la tour Eiffel n'est pas installé.

Enfin en octobre on pose le câble coaxial de 2500 mètres entre le studio et la tour Eiffel, l'émetteur réalisé par SFR-CSF, est installé dans un local provisoire au pilier nord en attendant la construction du batiment définitif du pilier sud. Il a une puissance de 2kW qui émet sur 37.5 MHz. Le son est transmis en onde moyenne ( 206 mètres ) par l'émetteur de Radio Tour Eiffel.

Suzy_Winker.jpg
Le dimanche 8 décembre 1935, avec deux mois de retard sur le calendrier initialement voulu par le ministre, c'est l'inauguration du 180 lignes. Une foule d'invités et de journalistes envahissent les locaux de la rue de Grenelle. L'émission a lieu de 17h30 à 19h30, le programme a été préparé avec Béatrice Bretty. Y participent des acteurs de la Comédie Française, des danseuses de l'Opéra, des artistes de music-hall et entre autres Sacha Guitry. Les numéros sont annoncés par Suzy Vinker la première speakrine " officielle " de la télévion française.
Des récepteurs ont été installés dans des lieux publics: une petite salle de 50 places rue de Grenelle, au Conservatoire des Arts et Métiers, à la mairie du 5ème arrondissement, à l'office du tourisme des Champs Elysées etc... Une foule de curieux s'y presse à tel point qu'un service d'ordre doit être mis en place.

Voir ici un reportage d'époque.
Suzy Winker


Studio Grenelle 1935
Le studio du 103 rue de Grenelle en 1935. Les caméras toujours trop bruyantes sont placées derrière une vitre. Une batterie de puissants projecteurs crée la lumière nécessaire à la prise de vue mais aveugle les comédiens. Les manches à air amènent l'air frai d'une installation de climatisation se trouvant en sous sol, sinon la température pourrait dépasser les 50°. Il est toujours nécessaire de maquiller abondamment les personnes à " téléviser " pour que leurs visages soient reconnaissables.

Vue côté scène: remarquez au bout de la flèche, posée au sol, la plaque " RADIO PTT VISION ".

Les " baies techniques ", la caméra 180 lignes un téléviseur à tube cathodique.



EMYVISOR
Une salle publique en décembre 1935


Photo de gauche: l'EMYVISOR 180 lignes ( fin de 1935 ) développé par René Barthélemy, disponible dans le commerce en pièces détachées ou tout assemblé. Son prix est à partir de 4500 francs de l'époque pour un récepteur assemblé ( vision uniquement ) , ce qui correspond à environ 3500 euros d'aujourd'hui.
Cliquez ici pour voir la brochure publicitaire EMYRADIO 1936 et le catalogue 1939.


Caméra René Barhélemy 1935
Caméra et TV CDC
TVCDC
Caméra de René Barthélemy ( 1935 )
Ces objets sont visibles au musée des arts et métiers ( Paris ).
Récepteur de radio et télévision CdC
de 1938. Le tube cathodique est tellement profond qu'il est disposé verticalement, un miroir renvoie l'image à l'horizontale.


En janvier1936 a lieu le congrès de l'UIR ( Union Internationale de Radiodiffusion ) à Paris, pour la première fois on y dresse un bilan de l'état des recherches sur la télévision. Seuls la Grande Bretagne, les Etats Unis, l'Allemagne et la France ont réellement démarré. C'est alors que la CdC se rapproche de la firme allemande Telefunken et signe avec elle un accord de coopération technique avec échange de matériel et de brevets.

Les équipements 180 lignes mécaniques ont donné satisfaction mais il est impératif pour la CdC de se pencher sur l'iconoscope de Zworykin qui offre un potentiel très supérieur et sur lequel les allemands et les anglais travaillent déjà. La CdC s'associe alors à SFR-CSF pour créer en mai 1936 la Compagnie Française de Télévision ( CFT ) qui béneficie alors des compétences de la CdC sur la télévision, de celles de la SFR-CSF sur la haute fréquence mais surtout d'un droit à exploiter le brevet de l'iconoscope détenu par RCA. En effet la SFR-CSF a convenu d'un accord d'échange de brevets avec la RCA.

Indicatif TELEVISION FRANCAISE
Le 24 octobre 1936, Robert Jardillier, nouveau ministre des PTT, lance un appel d'offre auprès des constructeurs radio-électrique en vue de doter la télévision de matériel " haute définition "; il est temps d'exploiter les possibilités de l'iconoscope. La CFT, la Compagnie Générale de Télévision d'Henri de France, la Compagnie Française Thomson-Houston ( CFTH ) proposent leurs matériel, l'administration commence alors une période de tests comparatifs.


 A partir du 4 janvier 1937 les programmes s'allongent avec des horaires de soirée de 20h à 20h30 ( variétés ) en plus de ceux de fin de matinée ( 11h à 11h30 émission de travail sur un sujet immobile oeuvre d'art, sculpture ou peinture ) et d'après midi de 15 à 16h ( variétés ). Le dimanche de 17h30 à 19h30 c'est gala et music hall.


La CdC réalise alors son " Centre expérimental de Montrouge " au 77 Grande-Rue, il s'agit d'un ensemble comprenant un laboratoire de recherche et des ateliers employant 150 personnes; mais aussi un grand studio de 12 mètres sur 8 et une salle de projection sur grand écran pour les démonstrations. Le studio est équipé du nouveau matériel expérimental 450 lignes à iconoscope, il y a même sur place un émetteur pouvant diffuser les images. Cela représente une station de télévision parmi les plus modernes, c'est la vitrine du savoir faire de la CdC.


Le 10 juillet 1937, lors de l'exposition internationale des arts et techniques de Paris, a lieu la démonstration publique du matériel haute définition 455 lignes fabriqué par Thomson et qui a été choisi par l'administration pour cette manifestation.
La caméra, surnommée " la trottinette " par les opérateurs, à cause de ses quatre roues, utilise une technique anglaise. En effet Thomson a acquis des licences et des tubes de prise de vue " Emitron " auprès de la société anglaise EMI ( Electric and Musical Industries filiale de Marconi ) qui équipe déjà la BBC. En plus des émissions en studio, la caméra est installée à l'extérieur près du pont Alexandre III et des visiteurs sont interviewés quant à leurs impressions sur l'exposition tandis que d'autres peuvent suivre ce téléreportage sur des téléviseurs installés à  l'intérieur du " pavillon de la radio et de la télévision ".
A la fin de l'exposition le matériel Thomson est transféré au studio de Grenelle où il continue d'être comparé à ceux des autres constructeurs.

Egalement en juillet l'administration des PTT a fait installer à la tour Eiffel un nouvel émetteur de télévision construit par la société LMT ( Le Matériel Téléphonique ). Il émet sur 46MHz avec une puissance de 7.5kW. L'émetteur SFR du 180 lignes est utilisé pour diffuser le son sur 42MHz.
Par la suite la puissance sera progressivement augmentée jusqu'à 30kW, ce qui fera de la tour Eiffel l'émetteur de télévision le plus puissant du monde.




Caméra Thomson 455 lignes en démonstration durant l'exposition de 1937 à Paris. Caméra Thomson au studio de Grenelle 


Equipements d'amplification et de traitement du signal de la caméra Thomson-Houston de 1937.
Ces baies contiennent 225 lampes au total et consomment plusieurs kilowatts.


Emission au studio de Grenelle
Les émissions en 180 lignes continuent en alternance avec les 455 lignes puis disparaissent définitivement en avril 1938.

En juin 1938, la période de tests étant terminée, le ministère des PTT fixe les normes suivantes valables pour une durée de 3 ans:
porteuse vision: 46MHz, modulation positive, 25 images par seconde ( 50 demi-images entrelacées ) nombre de lignes: entre 440 et 455, format de l'image: 5/4, synchronisation représentant 30% du signal vidéo, porteuse son: 42MHz.

Fin 1938, le ministre des PTT Alfred Jules-Julien, annonce l'intention de l'administration de commencer rapidement la mise en place d'un réseau d'émetteurs de télévision desservant progressivement les principales villes de province. La suite des évenements fera que ce réseau commencera à exister seulement au début des années 50.

Les normes étant enfin fixées, les constructeurs de récepteurs peuvent enfin proposer leurs appareils, et les clients les acheter mais les ventes ne décollent pas. Pour le public le faible intérêt des programmes ne justifie pas l'achat d'un récepteur qui est extrêmement coûteux, d'autant que les autres distractions sont nombreuses à Paris. Les fabricants ne peuvent pas baisser les prix tant qu'ils ne produiront pas en masse et se plaignent du manque de moyens mis en oeuvre pour promouvoir la télévision et proposer des programmes de qualité. L'état hésite à augmenter le budget alloué aux émissions tant qu'il n'y aura pas plus de téléspectateurs. La situation est bloquée contrairement à l'Angleterre qui est très en avance sur la France.



Publicité pour un téléviseur Marconi vers 1938-1939, il s'agit d'un appareil conçu en Angleterre où la télévision est bien plus répandue ( au moins 10 000 téléviseurs contre 300 pour la France ). Le prix de ce modèle équivaut de 4900 à 6600 de nos euros d'aujourd'hui.  Voir un appareil fonctionnel   Egalement ici   


En effet la BBC par des programmes attrayants ( retransmission de compétitions sportives en direct etc... ) a su trouver son public contrairement à la France où les émissions sont réalisées uniquement depuis le studio de Grenelle.

En Allemagne les moyens mis en oeuvre sont également supérieurs, un réseau de câbles coaxiaux relie le studio de Berlin à quelques grandes villes ( Hambourg, Nuremberg, Francfort, Bayreuth, Leipzig...). Le signal reçu dans ces villes est alors diffusé par un émetteur couvrant toute l'agglomération. Il y au moins 4000 récepteurs, les allemands n'en possédant pas peuvent suivre les programmes dans des salles publiques ( les Fernsehstube ). Le grand évenement de la télévision allemande fût la retransmission en direct des jeux olympiques de Berlin en août 1936.

Transmission télévisée par la BBC d'une course automobile au Crystal Palace Circuit de Londres en 1938. Téléobjectif aux jeux olympiques de Berlin (1936).    


Le 3 septembre 1939 les télévisions françaises et anglaises s'arrêtent pour cause de guerre, la télévision allemande s'était arrêtée temporairement quelques jours plus tôt. Elle sera utilisée par la suite pour distraire les soldats blessés dans les hôpitaux.







2ème partie : la télévision pendant l'occupation




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